Sujets
du Baccalauréat de philosophie 2016
Série ES :
1er sujet : Savons-nous toujours ce que nous désirons ? Proposition de corrigé
2e sujet : Pourquoi avons-nous intérêt à étudier l’histoire ? Proposition de corrigé
3e sujet : Proposition de corrigé
Expliquez le texte suivant :
[…] Parce que nous savons que
l’erreur dépend de notre volonté, et que personne n’a la volonté de se
tromper, on s’étonnera peut-être qu’il y ait de l’erreur en nos
jugements. Mais il faut remarquer qu’il y a bien de la différence entre
vouloir être trompé et vouloir donner son consentement à des opinions
qui sont cause que nous nous trompons quelquefois. Car encore qu’il n’y
ait personne qui veuille expressément se méprendre, il ne s’en trouve
presque pas un qui ne veuille donner son consentement à des choses
qu’il ne connaît pas distinctement : et même il arrive souvent que
c’est le désir de connaître la vérité qui fait que ceux qui ne savent
pas l’ordre qu’il faut tenir pour la rechercher manquent de la trouver
et se trompent, à cause qu’il les incite à précipiter leurs jugements,
et à prendre des choses pour vraies, desquelles ils n’ont pas assez de
connaissance.
René DESCARTES, Principes de la philosophie (1644)
Série L :
1er sujet : Nos convictions morales sont-elles fondées sur l’expérience ? Proposition de corrigé
2ème sujet : Le désir est-il par nature illimité ? Proposition de corrigé
3ème sujet : Proposition de corrigé
Expliquer le texte suivant :
Est-ce qu’il existe aucun fait qui
soit indépendant de l’opinion et de l’interprétation ? Des générations
d’historiens et de philosophes de l’histoire n’ont-elles pas démontré
l’impossibilité de constater des faits sans les interpréter, puisque
ceux-ci doivent d’abord être extraits d’un chaos de purs événements (et
les principes du choix ne sont assurément pas des données de fait),
puis être arrangés en une histoire qui ne peut être racontée que dans
une certaine perspective, qui n’a rien à voir avec ce qui a eu lieu à
l’origine ? Il ne fait pas de doute que ces difficultés, et bien
d’autres encore, inhérentes1 aux sciences historiques, soient réelles,
mais elles ne constituent pas une preuve contre l’existence de la
matière factuelle, pas plus qu’elles ne peuvent servir de justification
à l’effacement des lignes de démarcation entre le fait, l’opinion et
l’interprétation, ni d’excuse à l’historien pour manipuler les faits
comme il lui plaît. Même si nous admettons que chaque génération ait le
droit d’écrire sa propre histoire, nous refusons d’admettre qu’elle ait
le droit de remanier les faits en harmonie avec sa perspective propre ;
nous n’admettons pas le droit de porter atteinte à la matière factuelle
elle-même. Pour illustrer ce point, et nous excuser de ne pas pousser
la question plus loin : durant les années vingt2, Clémenceau, peu avant
sa mort, se trouvait engagé dans une conversation amicale avec un
représentant de la République de Weimar3 au sujet des responsabilités
quant au déclenchement de la Première Guerre mondiale. On demanda à
Clémenceau : « À votre avis, qu’est-ce que les historiens futurs
penseront de ce problème embarrassant et controversé ? » Il répondit :
« Ça, je n’en sais rien, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’ils ne
diront pas que la Belgique a envahi l’Allemagne. »
Hannah ARENDT, Vérité et politique (1964)
Série S :
1er Sujet : Travailler moins, est-ce vivre mieux ? Proposition de corrigé
2ème Sujet : Faut-il démontrer pour savoir ? Proposition de corrigé
3ème Sujet : Proposition de corrigé
Expliquez le texte suivant :
Néanmoins,
afin que notre libre arbitre(2) ne soit pas complètement anéanti,
j’estime que la fortune(1) peut déterminer la moitié de nos actions
mais que pour l’autre moitié les événements dépendent de nous. Je
compare la fortune à l’un de ces fleuves dévastateurs qui, quand ils se
mettent en colère, inondent les plaines, détruisent les arbres et les
édifices, enlèvent la terre d’un endroit et la poussent vers un autre.
Chacun fuit devant eux et tout le monde cède à la fureur des eaux sans
pouvoir leur opposer la moindre résistance. Bien que les choses se
déroulent ainsi, il n’en reste pas moins que les hommes ont la
possibilité, pendant les périodes de calme, de se prémunir en préparant
des abris et en bâtissant des digues de façon à ce que, si le niveau
des eaux devient menaçant, celles-ci convergent vers des canaux et ne
deviennent pas déchaînées et nuisibles.
Il en va de même pour la fortune : elle montre toute sa puissance là où
aucune vertu n’a été mobilisée pour lui résister et tourne ses assauts
là où il n’y a ni abris ni digues pour la contenir.
1 « fortune » : le cours des choses.
2 « arbitre » : capacité de juger et de choisir.MACHIAVEL, Le Prince (1532)