Sujets
du Baccalauréat de philosophie 2017
Série ES :
1er sujet : La raison peut-elle rendre raison de tout ? Proposition
de corrigé
2e sujet : Une œuvre d’art est-elle nécessairement belle ? Proposition
de corrigé
3e sujet : Proposition de corrigé
Expliquez le texte suivant :
« Étant donné [...] qu’il n’existe
pas au monde de République où l’on ait établi suffisamment de règles
pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela
serait impossible), il s’ensuit nécessairement que, dans tous les
domaines d’activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont
la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme leur
étant le plus profitable. Car si nous prenons la liberté au sens propre
de liberté corporelle, c’est-à-dire de ne pas être enchaîné ni
emprisonné, il serait tout à fait absurde, de la part des hommes, de
crier comme ils le font cette liberté dont ils jouissent si
manifestement. D’autre part, si nous entendons par liberté le fait
d’être soustrait aux lois, il n’est pas moins absurde de la part des
hommes de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à
tous les autres hommes de se rendre maîtres de leurs vies. Et
cependant, aussi absurde que ce soit, c’est bien ce qu’ils réclament ;
ne sachant pas que leurs lois sont sans pouvoir pour les protéger s’il
n’est pas un glaive entre les mains d’un homme (ou de plusieurs) pour
faire exécuter ces lois. La liberté des sujets ne réside par conséquent
que dans les choses que le souverain, en réglementant les actions des
hommes, a passées sous silence, par exemple la liberté d’acheter, de
vendre, et de conclure d’autres contrats les uns avec les autres, de
choisir leur résidence, leur genre de nourriture, leur métier,
d’éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable et ainsi de
suite ».
Série L :
1er sujet : Suffit-il d’observer pour connaître ? Proposition
de corrigé
2ème sujet : Tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste ? Proposition
de corrigé
3ème sujet : Proposition
de corrigé
Expliquer le texte suivant :
Un Auteur célèbre
1,
calculant les
biens et les maux de la vie humaine et comparant les deux sommes, a
trouvé que la demière surpassait l’autre de beaucoup et qu’à tout
prendre la vie était pour I'homme un assez mauvais présent. Je ne suis
point surpris de sa conclusion ; il a tiré tous ses raisonnements de la
constitution de l’homme Civil : s'il fût remonté jusqu'à l’homme
Naturel, on peut juger qu'il eût trouvé des résultats très différents,
qu'il eût aperçu que l’homme n'a guère de maux que ceux qu'il s'est
donnés lui-rnême, et que la Nature eût été justifiée. Ce n'est pas sans
peine que nous sommes parvenus à nous rendre si malheureux. Quand d'un
côté l’on considère les immenses travaux des hommes, tant de Sciences
approfondies, tant d'arts inventés ; tant de forces employées ; des
abîmes comblés, des montagnes rasées, des rochers brisés, des fleuves
rendus navigables, des terres défrichées, des lacs creusés, des marais
desséchés, des bâtiments énormes élevés sur la terre, la mer couverte
de Vaisseaux et de Matelots ; et que de l’autre on recherche avec un
peu de méditation les vrais avantages qui ont résulté de tout cela pour
le bonheur de l'espèce humaine, on ne peut qu'être frappé de
l’étonnante disproportion qui règne entre ces choses, et déplorer
l'aveuglement de l’homme qui, pour nourrir son fol orgueil et je ne
sais quelle vaine admiration de lui-même, le fait courir avec ardeur
après toutes les misères dont il est susceptible et que la bienfaisante
nature avait pris soin d'écarter de lui.
ROUSSEAU, Discours sur I'origine et les
fondements de I'inégalité parmi les hommes, 1751
1 un auteur célèbre : il s'agit de Maupertuis, philosophe et
mathématicien (1698-1759).
Série S :
1er Sujet : Défendre ses droits, est-ce défendre ses intérêts ? Proposition de corrigé
2ème Sujet :Peut-on se libérer de sa culture ? Proposition
de corrigé
3ème Sujet : Proposition
de corrigé
Expliquez le texte suivant :
À
la limite, la vie, c’est ce qui est
capable d’erreur. Et c'est peut-être à cette donnée ou plutôt à cette
éventualité fondamentale qu’il faut demander compte du fait que la
question de l’anomalie traverse de part en part toute la biologie. À
elle aussi qu'il faut demander compte des mutations et des processus
évolutifs qu’elle induit. À elle qu’il faut demander compte de cette
mutation singulière, de cette « erreur héréditaire », qui fait que la
vie a abouti avec l’homme à un vivant qui ne se trouve jamais tout à
fait à sa place, à un vivant voué à « errer » et destiné finalement à
l’« erreur ». Et si on admet que le concept, c’est la réponse que la
vie elle-même donne à cet aléa, il faut convenir que l’erreur est à la
racine de ce qui fait la pensée humaine et son histoire. L'opposition
du vrai et du faux, les valeurs qu'on prête à l’un et à l’autre, les
effets de pouvoir que les différentes sociétés et les différentes
institutions lient à ce partage, tout cela même n’est peut-être que la
réponse la plus tardive à cette possibilité d’erreur intrinsèque1
à la
vie. Si l'histoire des sciences est discontinue, c’est-à-dire si on ne
peut l’analyser que comme une série de « corrections », comme une
distribution nouvelle du vrai et du faux qui ne libère jamais enfin et
pour toujours la vérité, c’est que, là encore, l’« erreur » constitue
non pas l’oubli ou le retard d'une vérité, mais la dimension propre à
la vie des hommes et au temps de l’espèce.
FOUCAULT, Dits et Écrits (1978)
1 Intrinsèque : qui provient de la vie elle-même.