Maurice MERLEAU-PONTY

(1908-1961

 

 

Biographie. Oeuvres principales

 

Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) enseigna la philosophie à Chartres, puis à Paris. Il fut reçu docteur ès lettres avec deux ouvrages qui le distinguèrent, La Structure du comportement (1942) et la Phénoménologie de la Perception (1945). Cette même année, il fonde avec Jean-Paul Sartre, son ancien condisciple de l'École normale supérieure, ainsi qu'avec Simone de Beauvoir, la revue Les Temps modernes, qu'il quittera en 1951. Il publie Les aventures de la dialectique (1945) et Sens et non-sens (1948). Nommé professeur à la Sorbonne (en 1949), il est élu au Collège de France en 1952. Son ouvrage important, Signes, paraît en 1960.

Maurice Merleau-Ponty meurt brutalement en 1961, à l'âge de 53 ans. Le visible et l'invisible sera édité, comme œuvre posthume, en 1964.

 

 

Racines et apports

 

1. Les racines

 

La réflexion de Maurice Merleau-Ponty s'enracine dans une quadruple tradition:

• celle de Hegel: dans toute son œuvre, ainsi que dans ses cours au Collège de France, Merleau-Ponty a été attentif à la dialectique, conçue pensée des contradictoires, sans doute moins systématique et plus ouverte que celle de Hegel;

• celle de Husserl: revenir aux choses mêmes, cette idée du fondateur de la Phénoménologie a été constamment reprise par Merleau-Ponty;

• celle de Heidegger, qui soutient que l'homme n'est homme que pour autant qu'il s'ouvre à l'être, réalité fondamentale et source cachée de tout existant. En ceci, Heidegger a influencé Merleau-Ponty;

• la tradition française (Maine de Biran, Bergson) ne doit pas, enfin, être négligée dans la genèse de la pensée de Merleau-Ponty.

 

2. Les apports conceptuels

 

Faisant sien le précepte de Husserl, " revenir aux choses mêmes ", Merleau-Ponty s'est efforcé de retourner à l'expérience vécue et de décrire concrètement le réel.

Les concepts fondamentaux de sa philosophie sont les suivants:

• celui de sens, conçu comme noyau de signification issu de l'homme et de son existence dans le monde; le sens est lui-même inséparable du non-sens, fond sur lequel se profilent nos entreprises;

• celui de corps propre, envisagé non point comme réalité purement biologique et matérielle (le " corps objet " du physiologiste), mais comme centre existentiel et manière d'être-au-monde;

• celui de chair, appréhendée comme l'unité du corps et de l'âme, comme le corps informé par l'esprit.

 

Cf. J. Russ, Les chemins de la pensée , Bordas pp. 496-497

 

 

Philosophie, art et littérature chez Merleau-Ponty

Merleau-Ponty est, au XXe siècle, I'un des premiers penseurs à contester l'opposition entre la philosophie et la littérature. Il a pour cela quelques arguments de poids: il est d'abord convaincu de la vanité du désir de tout dire qui caractérise le projet des grandes métaphysiques. Nul agencement de concepts ne pourra jamais donner à comprendre le monde dans son ensemble. Le philosophe doit même renoncer à expliquer ou à identifier les conditions de possibilité du savoir. Ce qu'il peut seulement faire l'apparente à l'artiste et à l'écrivain: " formuler une expérience du monde, un contact avec le monde que précède toute pensée sur le monde. C'est dire combien Merleau-Ponty gagne à situer sa pensée dans le cadre de la philosophie phénoménologique ou existentielle et combien l'enseignement des écrivains et des artistes lui est précieux. " La tâche de la littérature et celle de la philosophie, écrit-il dans Sens et Non-Sens, ne peuvent plus être séparées. Quand il s'agit de faire parler l'expérience du monde et de montrer comment la conscience s'échappe dans le monde, on ne peut plus se flatter de parvenir à une transparence parfaite de l'expression. L'expression philosophique assume les mêmes ambiguïtés que l'expression littéraire, si le monde est fait de telle sorte qu'il ne puisse être exprimé que dans des histoires et comme montré du doigt. " Dans La Prose du monde (1969), Merleau-Ponty développera cette idée qui justifie la solidarité entre la philosophie, l'art et la littérature, en montrant que nous sommes seulement capables d'un " langage indirect " à propos des choses et des êtres. L'idéal d'un " langage pur " qui hante la tradition philosophique est décidément illusoire et, avec lui, bien entendu, celui d'une " pensée pure ".

Il y a ensuite une autre raison qui pousse Merleau-Ponty à ne pas dissocier la philosophie de l'œuvre d'art ou d'écriture, et cette raison expliquera ultérieurement le style de sa réflexion sur le terrain de la politique: l'une des caractéristiques de la littérature ou de la peinture, c'est en effet qu'elles font advenir ce qu'elles pensent. Elles sont l'origine même de l'Être qu'elles disent ou donnent à voir et, en cela, elles sont délivrées de l'assujettissement à quelque essence du langage ou de la vision. Le philosophe assume cette préoccupation pour l'institution du sens et de la valeur où se reconnaît l'expérience de l'œuvre. Comme l'écrivain et le peintre modernes, il tente ainsi de rendre manifeste, par-delà ce qu'il dit et vise, l'activité de penser qui l'anime. Car " c'est le propre de l'interrogation philosophique de se retourner sur elle-même; de se demander aussi ce que c'est que questionner et ce que c'est que répondre. "

cf. Le temps des philosophes, J.-M. Besnier p. 582