Alexis de Tocqueville

(1805-1859)

 

Sa pensée

Né dans une famille noble ultra-royaliste, Tocqueville est nommé juge auditeur à Versailles en 1827. Député en 1839, académicien en 1841, membre de l'Assemblée constituante en 1848, il sera également ministre des Affaires étrangères en 1849. À son retour des États-Unis, en 1835, il publie le premier tome de De la démocratie en Amérique qui lui vaut très vite une renommée internationale

Qu'est-ce qu'une société démocratique ? Ce n'est pas en France - où la Terreur révolutionnaire a singulièrement perverti à la fois les idéaux républicains et les mœurs -, mais en Amérique que Tocqueville va chercher les éléments d'une réponse originale à cette question par ailleurs classique. Son étude du système politique et des mœurs américaines se présente à la fois comme une enquête historique et comme une réflexion théorique sur la nature de la démocratie, qu'il conçoit avant tout comme un système social, mais doublé d'une mentalité bien spécifique.

Un système social : est dite démocratique toute société dans laquelle l'égalité est considérée comme une valeur essentielle, où la participation de tous aux affaires publiques est admise et garanti et où la mobilité sociale interdit la constitution de catégories intouchables de privilégiés. Une mentalité spécifique l'idéologie démocratique est foncièrement « individualiste ». La croyance en l'égalité intellectuelle de tous et la passion commune pour la sécurité et le bien-être en sont les deux caractéristiques les plus notables. De telle convictions ont leur revers : la valorisation des ambitions personnelles et de jouissances matérielles débouchent sur un égoïsme destructeur de tout lien social comme de toute autorité.

Les analyses les plus remarquables de Tocqueville portent sur les périls qu menacent l'humanité à l'âge démocratique. D'une part, la mentalité individualiste - paradoxalement - encourage un conformisme généralisé ; d'autre part, elle appelle la centralisation et le renforcement de l'État. L'idéologie démocratique, en mettant l'accent sur l'autonomie intellectuelle, et en sapant par avance toute autorité, suscite la « tyrannie de la majorité ». Là où l'opinion de chacun est égale à celle du voisin, l'avis majoritaire devient une norme incontestée, sacralisée, et même subtilement intériorisée. L'atomisation de la société incite - en second lieu - à la démission de tous, et à l'établissement d'un État tutélaire quasi providentiel. Aussi Tocqueville voit-il se profiler, à l'ombre même du pouvoir démocratique, un nouveau despotisme « bienveillant » et « doux » mais on ne peut plus menaçant pour l'ensemble de nos libertés.

À côté de ces sombres perspectives, Tocqueville entrevoit des raisons d'espérer. La société américaine a tout d'abord instauré spontanément des contrepoids face à ces tendances lourdes du système social. La démocratie politique - les institutions représentatives, la division des pouvoirs, le pluralisme - tempère la démocratie sociale. Mais Tocqueville place l'essentiel de ses espoirs dans la liberté d'association et les « pouvoirs intermédiaires ». La dispersion des pouvoirs qui caractérisait la société aristocratique peut trouver, semble-t- il, un substitut dans le système des associations libres. Les organisations coopératives et les partis politiques - en rétablissant une solidarité de fait, et en incitant à la responsabilisation des citoyens - assureront une authentique éducation civique, contrecarrant ainsi l'apathie et l'égoïsme. Enfin, la presse libre constitue aux yeux de Tocqueville, l'expression la plus caractéristique, en même temps que le bien le plus précieux, d'une société vraiment libre.

 

Principaux écrits :

De la démocratie en Amérique (1835-1840) ;
L'Ancien Régime et la Révolution (1856).

 

 Cf. Pratique de la philsophie de A à Z - © Hachette