Méthode

de

la dissertation

 

 

 

Nature

 

Ce qu'elle n'est pas

 

D =/= rédaction, texte narratif

D =/= essai (littéraire)- forme élaborée de la rédaction.

Un Essai se présente généralement sous la forme d'une suite de "variations" stylistiques ou thématiques autour d'un sujet donné.

D =/= exposé, texte énonciatif

L'exposé est la présentation-bilan d'un ensemble d'informations ou de connaissances sur un sujet donné. La synthèse qui le constitue réunit des produits de la réflexion ou de la recherche, et elle n'envisage l'élaboration de ces produits ( la réflexion en acte) qu'occasionnellement, par exemple pour en effectuer la critique en visant la démarche qui la fonde.

 

Ce qu'elle est

 

D. = texte argumentatif, consistant dans l'examen d'une question, qui exige qu'un problème soit soulevé, posé, traité et résolu :

. soulevé dans un premier temps, constitutif de l'introduction,

. posé et traité dans un deuxième temps, constitutif du développement,

. et résolu dans un dernier temps, constitutif de la conclusion.

Assujettie à l'examen d'un problème, elle doit le définir, et le traiter de façon démonstrative.

A ce titre, elle est plus proche d'un devoir de maths que de français, à cette différence près qu'il revient à l'auteur de la dissertation de concevoir l'énoncé du problème à traiter alors que celui-ci est fourni déjà rédigé en maths...

Le sujet de la dissertation au baccalauréat se présente sous la forme d'une question.

C'est d'elle qu'il faut partir. C'est elle qu'il faut commencer par étudier pour parvenir à formuler le problème qui devra être traité.

Il faut donc bien se garder de commencer par répondre à la question posée !

 

 

Travail préliminaire à la rédaction

 

 Analyse du libellé du sujet
- Il faut commencer par se demander ce qui est en question dans la question posée.
• Il convient pour cela de distinguer dans l'énoncé su sujet
a) les termes du sujet qui désignent ce sur quoi porte la question, son " objet "

b) de ceux qui disent ce que l'on demande à son "sujet".

• Ex. Est-il nécessaire de penser pour avoir des opinions?

Objet : les opinions
Sujet: part qui revient à la pensée dans leur constitution

- Il faut ensuite définir le sens global de la question en précisant le sens qu'ont les termes qui la composent.

Ex.

Est-il NECESSAIRE de penser pour avoir des opinions?

Nécessaire = penser est-il une condition sine qua non de l'opinion, càd ce sans quoi elle ne saurait voir le jour dans un esprit.

Est-il nécessaire de PENSER pour avoir des opinions, autrement dit penser est-il une condition sine qua non de l'opinion?

penser à ? = se représenter mentalement qqc. Ex.

penser que? = porter un jugement. Ex.

penser... = concevoir qqc, en élaborer la théorie. Ex.

Est-il nécessaire de penser pour AVOIR DES OPINIONS?

Avoir des opinions = adopter un avis, une manière de penser.

Opinion = vue de l'esprit que celui-ci adopte au vu des choses ou par ouïe dire, sans réflexion, et donc injustifiée.

Cf . Les Grecs parlaient de la doxa. Au Ve siècle av. J.-C., Parménide introduit une nouvelle discipline fondamentale, expression de la pensée humaine dans son universalité: il s'agit de la logique et de son discours rigoureux; le penseur est désormais assuré de la vérité de sa parole grâce à l'enchaînement nécessaire des arguments, alors que l'opinion (doxa) est le domaine du faux.

Cf. Platon : "L'opinion n'est autre chose que la puissance qui nous permet de juger sur l'apparence." République, V, 479d-e

Cf. KANT Critique de la Raison Pure, Théorie transcendantale de la méthode, II, 3 (PUF p.552) "L'opinion est le fait de tenir quelque chose pour vrai avec la conscience d'une insuffisance subjective aussi bien qu'objective de ce jugement."

- Il faut enfin reformuler la question.

Ex. Les jugements que l'on porte peuvent-ils ne pas être le résultat d'une activité de l'esprit ?

 

Recherche des présupposés de la question posée

Présupposés " culturels "
La question prend sens sur fond de distinction/opposition classique entre opinion et idée (phq, scq).
Cf. Platon, République VI-VII mythe de la caverne, ligne brisée. Cf. aussi Descartes, Méditation 1
Cf. Bachelard: " La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion; de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort. L'opinion pense mal; elle ne pense pas: elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion: il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit."

Présupposés notionnels:

Demander si penser est nécessaire pour avoir des opinions, c'est distinguer a priori " penser  " et " avoir des opinions " en faisant de l'un (penser) la condition (à envisager du point de vue de sa nécessité) de l'autre. Cf Hippias Majeur: Le Beau est père du bien, donc le beau ne saurait qu'être autre que le bien. Idem ici.

 

Repérage de l'enjeu de la question
Dans la question posée, il y va du passage de l'opinion au tribunal de la raison et donc d'une mise en question de la valeur " théorétique " de l'opinion.

 

Définition de la problématique
Voici la question qui commande l'élaboration de la problématique: que faut-il se demander successivement pour pouvoir répondre, finalement, de façon convaincante à la question posée.

La problématique se présente sous forme d'une suite de deux ou trois questions fondamentales auxquelles il faut répondre successivement pour parvenir logiquement à une solution.

Ex.

Une enquête en deux temps s'impose:

a) observer la possible existence d'opinions sans que la pensée ait contribuée à leur formation;

b) examiner, s'il y en a, ce qu'elles valent en se demandant ce que leur apporterait le fait de "penser".

N.B. Ce travail gagnerait à être mené lui-même en deux temps:

1) Chercher ce que gagneraient nos opinions à procéder de la pensée.

2) Chercher de quelle manière la pensée pourrait donner à nos opinions la qualité qui autrement leur manquerait.

=> 3 questions, constitutives de la problématique:

1) Peut-on avoir des opinions sans que la pensée n'ait contribué à leur formation?

2) De telles opinions gagneraient-elles à procéder en quelque façon de la pensée?

3) Comment faire pour s'assurer de la qualité de ses opinions grâce à la pensée?

 

Elaboration d'un plan détaillé

 

Il s'agit à présent de préciser chacune des enquêtes à mener et pour cela rechercher les domaines à explorer, les faits à analyser, les théories à utiliser, définir les arguments à faire valoir et retenir les exemples et les citations.

Il faut ensuite élaborer le plan en conséquence

Ex.

1) Peut-on avoir des opinions sans que la pensée n'ait contribué à leur formation?

Si oui,

a) en quoi consistent-elles?

= Pré-jugés.

Cf. HIPPIAS MAJEUR

b) et d'où viennent-elles alors?

. De notre propre fonds (innéité),

. Des autres (idées reçues) - Education, pression sociale...

. De nous-même (raisonnement ou intuition)

Cf. Descartes, Méditation 3 : idées innées, adventices et factices;

 

2) De telles opinions gagneraient-elles à procéder en quelque façon de la pensée?

a) Telles quelles (sans pensée), que valent-elles?

- Vraies OU fausses

=> injustifiables

b) Qu'est ce que le fait de penser peut leur apporter:

la certitude que procure l'examen critique des questions.

 

3) Comment faire pour s'assurer de la qualité de ses opinions grâce à la pensée?

a) D'abord adopter une attitude critique à l'égard de ce que l'on croit savoir et pour cela commencer par douter de leur valeur.
Cf. Socrate et Descartes

b) Puis prendre garde de pas ne céder à la tentation des idées toutes faites,

- réfléchir

- dialoguer Cf. Platon

 

Rédaction

 

Introduction

 

. Entrée en matière
* Il en faut une !

* Elle ne saurait se résumer à une citation (brute)

* Elle ne saurait supposer la question connue

* Elle ne saurait répondre à la question posée !

* Elle doit conduire logiquement à la formulation de la question du sujet.

* Exclure les formules passe-partout du type "De tout temps"

* Proportionner sa taille à celle des autres composantes de l'introduction.

. Formulation du sujet

* Le sujet ne saurait être supposé connu

* Sa formulation est obligatoire

* Elle doit être explicite, sous forme de question

* Elle doit être littéralement celle du sujet.

* Sans confusion possible avec la formulation conséquente d'une problématique destinée à la traiter.

* Suivie de son analyse si celle-ci n'est pas l'objet d'un première partie du développement (ce que l'on ne saurait trop recommander).

. Mais, attention: pas d'analyses qui relèveraient du développement

. Annonce du développement

* Il en faut une !

* Elle doit être indicative de la démarche à adopter (la démarche se formule à l'indicatif et les recherches à faire au futur)

* La problématique doit se situer totalement dans le cadre de la question posée.

* Une des étapes annoncées ne saurait à elle seule traiter la question posée

* Le développement ne saurait être présenté par l'énoncé d'une seule question...

* Justifier le parcours annoncé

* Pas de réponse à la question posée

* Pas d'exposé statique des composantes

* Le développement devra se dérouler ainsi qu'il est annoncé qu'il le fera ...

 

 DEVELOPPEMENT

 

. Il en faut un...

. Composé d'au moins deux parties

. Adéquat au sujet

Il faut:

* Mener la recherche en fonction de la question posée telle qu'elle est posée.

* Ne rien dire qui ne contribue explicitement à l'examen de la question sous l'un de ses aspects.

 

. Approfondi
* Traitant bien la question, sans rien laisser d'important dans l'ombre.

* Constater ne saurait suffire. Il faut expliquer

 

. Argumentatif
* Procéder rationnellement

* Définir les concepts auquel on fait appel

* Définir avec rigueur, sans rien omettre

* Ne rien dire d'inexact

* Ne rien dire qui n'ait pas un sens clair (qui soit confus, nébuleux)

* Pas d'allusions: des indications précises

* User des termes de liaison adéquats

* Ne pas se contredire

* Raisonner de façon sensée, sans exagération

* Ne rien affirmer qui ne soit évident et pour cela s'expliquer

* Prouver ce que l'on avance

* Illustrer (au moyen des d'exemples) les propos que l'on tient sur un aspect essentiel de la question traitée

* Analyser les exemples pour justifier l'enseignement que l'on en y attache

* S'interdire toute allusion sans explicitation

* Ne rien dire qui ne soit utile à la recherche menée et s'y articule logiquement

* Ne jamais procéder par entassement d'énoncés disparates

* Enchaîner de façon cohérente ses assertions

* Bien user des citations:

. Une citation ne constitue pas une preuve - sauf lorsqu'elle vient justifier l'exposé d'une idée que l'on impute à un auteur, en tant qu'on la lui attribue

. On ne dit pas Platon "cite" quand on cite soi-même ce qu'il dit...

. On cite sans déformer

. On cite à propos

. La citation doit être nominative, (accompagnée du nom de leur auteur ET d'une formule du type "x dit que...")

 

Conclusion

. Il en faut une

. Pas de considérations "littéraires", une réponse nette et convaincante

. Ce qui est dit doit correspondre à ce que le développement a mis en avant: rien de nouveau !

. Ce qui est dit doit répondre expressément à la question posée par le sujet

. Ce qui est dit doit être probant

. Une ouverture est souhaitable

. L'ouverture doit découler de l'examen de la question

. L'ouverture ne doit pas renvoyer à une analyse qui était à faire

 

Rédaction

* Rédiger avec soin

* Ecrire lisiblement

* Assurer les transitions

* Respecter les exigences syntaxiques:

. une proposition principale par phrase et une seule

. Pas de phrase sans un verbe au moins, conjugué

* Employer les mots à bon escient

* Orthographe correcte

* Ponctuation correcte

* Pas d'abréviations

* Toujours rédiger

* Le titre d'une oeuvre se souligne

 

 

© M. Pérignon