Un internaute, François X, m'écrit le 26/09/98

J'ai un devoir sur le mensonge et je suis sec. Mon fils est en terminale techno et la philo le fait dormir. Avez-vous un remède pour le réveiller ?

Thème du devoir : pensez vous que dans certaines circonstances il soit permis de mentir ?

 

Voici ma réponse:

 

François,

 

Tu me dis avoir un devoir à faire sur le mensonge.

 

Est-ce vraiment toi qui a ce devoir, ou bien est-ce ton fils, qui est en Terminale (tu ne me dis pas dans quelle section technologique il est...) ? Ce qui est sûr, c'est que tu aimerais qu'il cesse de bailler en cours de philo ! Je ne connais qu'un remède : il faut qu'il y devienne actif, et pour cela qu'il mette un point d'honneur à poser des questions à son prof. Tu devrais l'aider à chercher, d'un cours sur l'autre, ce qu'il pourrait bien lui demander qui lui tienne à coeur et qui soit en rapport avec ce que le prof raconte.

 

Revenons-en au mensonge.

La question posée est de savoir si, dans certaines circonstances, il est permis de mentir.

La question porte donc sur le droit de mentir. Une question que les Américains ne se posent pas : ils sont très chatouilleux sur le devoir de dire la vérité, et passent très vite au concept de parjure pour quelqu'un qui ment sous serment. Pense à l'afffaire Bill C./ Monica L...

Demande à ton fils de te dire ce qu'il pense de l'attitude de Bill Clinton.

Avait-il le droit de dire qu'il n'avait pas eu de relations sexuelles avec sa stagiaire ?

Dire la vérité ne peut être un devoir que si celui à qui on la dit est en droit de la connaître, non ?

De quoi le juge républicain - qui se prend pour un(e) Starr .. - se mêlait-il, je te le demande.

Bill n'a pas violé Monica, que je sache.

Elle ne l'accuse même pas de harcèlement sexuel. Elle aurait, semble-t-il préféré que son patron d'alors aille plus loin (plus profond ?) avec elle.

Alors ?

Mais, me diras-tu, Mr le Président des Etats-Unis aurait pu aussi refuser de répondre !!!

Seulement, voilà, son refus aurait été pris pour un aveu.

Voilà comment un homme politique se retrouve coincé !

Pas facile d'avouer les petits jeux érotiques auxquels on s'est adonné, d'autant qu'en les mettant sur la place public ont les avouera à sa femme et à sa fille.

Qu'est-ce qui est dès lors le plus important : dire ce qui s'est passé, au risque de porter atteinte à sa réputation et de blesser ses proches, se taire, en étant soupçonné de dissimuler la vérité, ou bien, ultime tentation, mentir pour sauvegarder son honneur et celui des siens.

Bill Clinton avait-il le droit de mentir ?

La vérité n'est pas un absolu : le respect des personnes passe avant.

Seulement voilà les Américains sont puritains (quand ça les arrange, leur pragmatisme est bien connu) et Clinton est Baptiste, une branche du Christinalisme, où on doit se confesser en public.

Ca lui ôte son droit de mentir et il se sentira coupable, au point de demander pardon à la terre entière...

Nous autres, Européens, voyons les choses autrement.
Catholiques, nous réservons la confession au confessionnal.
Enfants des Lumières, nous avons un sens aigü des droits de l'homme. Et, parmi ceux-ci, il y a le droit à la protection de la vie privée !!!

Notre rapport au mensonge est donc tout différent.

Souviens-toi de notre indulgence à l'égard de François Mitterrand quand nous avons appris l'existence de Mazarine.

Dis tout cela à ton fiston. Ca devrait l'exciter un peu pour traiter le sujet, non ?

 

Michel

 

N.B. Un coup d'oeil sur le cours que je consacre à la vérité, en particulier sur la première partie, devrait offrir un peu de logistique philosophique à ton fils.