«Dans une montre, une partie est l'instrument qui fait se mouvoir les autres; mais un rouage n'est pas la cause efficiente qui engendre les autres; une partie, il est vrai, existe pour l'autre, mais non par cette autre. La cause efficiente de ces parties et de leur forme n'est pas dans la nature (de cette matière), mais au-dehors, dans un être qui peut agir en vertu d'idées d'un tout possible par sa causalité. C'est pourquoi dans une montre un rouage n'en produit pas un autre et encore moins une montre d'autres montres, en utilisant (organisant) pour cela une autre matière; elle ne remplace pas d'elle-même les parties dont elle est privée et ne corrige pas les défauts de la première formation à l'aide des autres parties; si elle est déréglée, elle ne se répare pas non plus d'elle-même; toutes choses qu'on peut attendre de la nature organisée.&emdash;Un être organisé n'est pas seulement une machine; car celle-ci ne détient qu'une force motrice, mais il possède une énergie formatrice qu'il communique même aux matières qui ne la possèdent pas (il les organise), énergie formatrice qui se propage et qu'on ne peut expliquer uniquement par la puissance motrice (le mécanisme).

On dit trop peu de la nature et de son pouvoir pour des productions organisées, quand on l'appelle un analogue de l'art; on imagine alors l'artiste (un être raisonnable) en dehors d'elle. Elle s'organise au contraire elle-même dans chaque espèce de ses produits organisés; dans l'ensemble il est vrai, d'après un même modèle, mais avec les modifications convenables exigées pour la conservation de soi-même suivant les circonstances. »

Kant, Critique de la faculté de juger (1790), 11, § 65

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