Par Droit Civil privé nous ne pouvons entendre autre chose que la liberté qu'a l'individu de se conserver dans son état, telle qu'elle est déterminée par les édits du pouvoir souverain et maintenue par sa seule autorité. Après en effet que l'individu a transféré à un autre son droit de vivre selon son bon plaisir propre, c'est-à-dire sa liberté et sa puissance de se maintenir droit qui n'avait d'autres limites que son pouvoir, il est tenu de vivre suivant la règle de cet autre et de ne se maintenir que par sa protection.

Il y a Violation du droit quand un citoyen ou un sujet est contraint par un autre à souffrir quelque dommage contrairement au droit civil, c'est-à-dire à l'édit du souverain. La violation du droit en effet ne se peut concevoir que dans l'état de société réglée; mais le souverain auquel par droit tout est permis ne peut violer le droit des sujets; donc seulement entre particuliers, tenus par le droit à ne pas se léser l'un l'autre, il peut y avoir place pour une violation du droit.

La Justice est une disposition constante de l'âme à attribuer à chacun ce qui d'après le droit civil lui revient; l'Injustice par contre consiste, sous une apparence de droit, à enlever à quelqu'un ce qui lui appartient suivant l'interprétation véritable des lois .

On appelle aussi la Justice et l'Injustice, Équité et Iniquité, parce que les magistrats institués pour mettre fin aux litiges sont tenus de n'avoir aucun égard aux personnes, mais de les tenir toutes pour égales et de maintenir également le droit de chacun; de ne pas porter envie au riche ni mépris au pauvre.

Spinoza, Traité Théologico-politique, chap. XVI

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