Les propriétés particulières du système Inconscient (Ics)

Le noyau de l'Ics est constitué par des représentants de la pulsion qui veulent décharger leur investissement, donc par des motions de désir. Ces motions pulsionnelles sont coordonnées les unes aux autres, persistent les unes à côté des autres sans s'influencer réciproquement et ne se contredisent pas entre elles. Lorsque deux motions de désir dont les buts devraient nous paraître inconciliables sont activées simultanément, les deux motions ne se soustraient pas l'une de l'autre, ni ne se suppriment l'une l'autre, mais elles concourent à la formation d'un but intermédiaire, d'un compromis.

Il n'y a dans ce système ni négation, ni doute, ni degré dans la certitude. Tout cela n'est introduit que par le travail de la censure entre Ics et Pcs. La négation est un substitut de refoulement d'un niveau supérieur. Dans l'lcs, il n'y a que des contenus plus ou moins fortement investis.

Il y règne une beaucoup plus grande mobilité des intensités d'investissement. Par le processus de déplacement une représentation peut transmettre tout son quantum d'investissement à une autre, par celui de la condensation, s'approprier tout l'investissement de plusieurs autres. J'ai proposé de considérer ces deux processus comme signes caractéristiques de ce que nous appelons le processus psychique primaire. Dans le système Pcs règne le processus secondaire; dans le cas où un tel processus primaire peut se dérouler sur des éléments du système Pcs, il apparaît « comique » et provoque le rire.

Les processus du système Ics sont intemporels, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas ordonnés dans le temps, ne sont pas modifiés par l'écoulement du temps, n'ont absolument aucune relation avec le temps. La relation au temps elle aussi est liée au travail du système Cs.

Pas davantage les processus Ics n'ont égard à la réalité. Ils sont soumis au principe de plaisir; leur destin ne dépend que de leur force et de leur conformité ou non-conformité aux exigences de la régulation plaisir-déplaisir. (...)

Il ne serait pourtant pas juste de se représenter que l'lcs reste en repos tandis que tout le travail psychique serait exécuté par le Pcs, que l'Ics serait quelque chose hors d'usage, un organe rudimentaire, un résidu du développement. Il serait faux également d'admettre que les rapports entre les deux systèmes se limitent à l'acte du refoulement, le Pcs jetant dans le gouffre de l'lcs tout ce qui lui paraît perturbant. L'lcs est au contraire vivant, capable d'évoluer et il entretient un grand nombre d'autres relations avec le Pcs parmi lesquelles aussi la coopération. En une formule condensée, on doit dire que l'lcs se prolonge dans ce qu'on nomme ses rejetons, il est accessible à l'action des évènements de la vie, il exerce une influence permanente sur le Pcs et il est même de son côté soumis aux influences venant de la part du Pcss.

 

Freud, Métapsychologie (1915), Idées-Gallimard, pp. 96-101

 

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