L'excellence de la raison ne dépend pas d'un grand mot vide de sens (l'immatérialité), mais de sa force, de son étendue, ou de sa clairvoyance. Ainsi une âme de boue, qui découvrirait, comme d'un coup d'oeil, les rapports et les suites d'une infinité d'idées, difficiles à saisir, serait évidemment préférable à une âme sotte et stupide, qui serait faite des éléments les plus précieux. Ce n'est pas être philosophe que de rougir avec Pline de la misère de notre origine. Ce qui paraît vil, est ici la chose la plus précieuse, et pour laquelle la Nature semble avoir mis le plus d'art et le plus d'appareil. Mais comme l'homme, quand même il viendrait d'une source encore plus vile en apparence, n'en serait pas moins le plus parfait de tous les êtres, quelle que soit l'origine de son âme, si elle est pure, noble, sublime, c'est une belle âme, qui rend respectable quiconque en est doué.

La Mettrie, L'Homme-Machine, « Folio-Essais», Gallimard, 1981, p. 145-146.  

 

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