Il est hors de doute que les idées de valeur sont " subjectives ". Entre l'intérêt " historique " que nous trouvons à une chronique de famille et celui que nous portons au développement des phénomènes les plus grands possibles qui furent durant de longues époques communs à une nation ou à l'humanité et le sont encore, il existe une échelle sans fin de " significations " dont les échelons auront un autre ordre pour chacun de nous. Cet ordre varie historiquement avec le caractère de la civilisation et de la pensée qui domine les hommes. Il ne s'ensuit évidemment pas que la recherche dans le domaine des sciences de la culture ne pourrait aboutir qu'à des résultats qui seraient " subjectifs ", au sens qu'ils seraient valables pour l'un et non pour l'autre. Ce qui varie, c'est plutôt le degré d'intérêt qu'ils ont pour l'un et non pour l'autre. En d'autres termes: ce qui devient objet de recherche ainsi que les limites de cette recherche au sein de l'infinité des connexions causales, ce sont les idées de valeur dominant le savant et une époque qui les déterminent. Quant au comment (im Wie), c'est-à-dire quant à la méthode de la recherche, c'est le " point de vue " dominant qui - comme nous le verrons encore - constitue l'élément déterminant pour la construction des concepts auxiliaires qu'on utilise; en ce qui concerne la façon d'utiliser les concepts le savant est évidemment ici, comme partout ailleurs, lié aux normes de notre pensée. En effet, est vérité scientifique seulement celle qui prétend valoir pour tous ceux qui veulent la vérité.

 

M. WEBER, Essais sur la théorie de la science trad de J Freund,
Paris, Éd. Plon, 1965, pp. 171-172
 

 

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