Supposons en effet que quelqu'un ait modelé toutes les figures possibles dans de l'or et qu'il ne cesse de les remodeler chacune en toutes les autres; si on lui montre une de ces figures et si on lui demande ce que c'est, le parti de beaucoup le plus sûr au regard de la vérité est de répondre: « c'est de l'or ». Il ne faut jamais dire du triangle ni d'aucune autre figure qui dans l'or sont venus à l'être, « c'est ceci », comme si ce l'était, puisque, à l'instant même où l'on donne ces dénominations, ces figures sont en train de changer; mais, comme elles admettent qu'on les dénomme avec quelque sécurité « ce qui est tel ou tel», voilà la solution qu'on choisira de préférence.
C'est bien le même type de discours qu'on doit tenir quand on parle de ce qui reçoit tous les corps. Il faut toujours lui donner le même nom; car elle ne perd absolument aucune des propriétés qui sont les siennes. Toujours en effet elle reçoit toutes les choses, et jamais en aucune manière sous aucun rapport elle ne prend une forme qui ressemble à rien de ce qui peut entrer en elle. Par nature en effet elle se présente comme le porte-empreinte de toutes choses. Modifiée et découpée en figures par les choses qui entrent en elles, elle apparaît par suite tantôt sous un aspect, tantôt sous un autre.

Platon, Timée, 50b-c

 

 

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