L'art
 

 

 

Plan

 

Introduction : Qui dit art, dit oeuvre d'art!

I. L'oeuvre d'art

A. Son existence paradoxale

B. Sa nature

II. Fonction de l'art

A. Sa fonction: exprimer

B. Le beau, valeur esthétique de l'oeuvre d'art

Conclusion : Le projet esthétique

 

 

 

Introduction

 

Pas d'art sans oeuvre d'art
Cf. Les "Beaux Arts" :
- Les arts plastiques :
pas d'architecture sans bâtiments,

pas de sculpture sans statues,

pas de peinture sans tableaux.

- Les arts musicaux ou rythmiques :

pas de musique sans musiques,

pas de danse sans danses,

pas de poésie sans poèmes,

- Le cinéma :

pas de cinéma sans film.

Cf. Alain:" Aucune conception n'est oeuvre. Et c'est l'occasion d'avertir tout artiste qu'il perd son temps à chercher parmi les simples possibles quel serait le plus beau; car aucun possible n'est beau; le réel seul est beau. Faites donc et jugez ensuite..."

Aussi une philosophie de l'art, une esthétique, doit-elle se donner pour tâche de penser l'oeuvre d'art !

Conséquence méthodologique :

pour penser l'œuvre d'art, et comprendre ainsi ce qu'est l'art lui-même, nous nous proposons de

1) procéder à la phénoménologie de l'œuvre d'art

2) déterminer quelle est la fonction de l'art,ce qui lui confère sens et sa valeur.

 

 

Première partie : l'oeuvre d'art

 

A. Existence paradoxale de l'oeuvre d'art

 

a. Exemple : La condition humaine de Magritte

 

 
 
La toile de Magritte (1898-1967) révèle la nature énigmatique de l'œuvre d'art :

Elle suggère sa nature ambiguë en offrant à voir un tableau au coeur du tableau, un tableau qui se superpose à un paysage dont il représente la partie cachée.

• Le tableau intérieur au tableau n'est pas le paysage qui s'y trouve peint et pourtant il le représente au point de se fondre en lui (seuls les contours du tableau et son support le signalent en effet comme tableau et lui interdisent de se confondre avec le paysage qu'il représente).

• Le paysage lui-même, comme la fenêtre d'où il est vu, n'est pas un paysage réel. Il est peint. Ce que l'on serait tenté d'oublier en regardant le tableau dans le tableau. Non seulement le tableau intérieur cache et révèle indissociablement le paysage qu'il donne à voir; non seulement le paysage donné à voir n'est pas un paysage réel; mais encore le tableau global dissimule sa nature de tableau au bénéfice de ce qu'il représente, tout en demeurant bel et bien réel, chose entre les choses.Nouvelle ambiguïté, même paradoxe!

• L'ensemble représente la condition humaine, celle d'un être conscient, qui se représente à l'intérieur de lui-même le monde qu'il habite, un =:onde qui se confond avec l'image qu'il s'en fait.

 

 

b. Textes

 

Texte de Platon :

Platon souligne la nature, à ses yeux irrationnelle, de l'art : il nous charme en nous donnant en spectacle une scène qui, dans la réalité, appelerait de tout autres sentiments. Ce disant Platon joue sur le paradoxe de l'oeuvre d'art, en y relevant une contradiction, intolérable à la raison: paradoxe de qiuleque chose qui est et n'est pas en même temps ce qu'elle donne à voir, paradoxe révélé ici par deux attitudes opposées du spectateur.

 

Texte de Kant :

Kant, en s'efforçant de comprendre le jugement esthétique, en vient à parler de finalité sans fin,observant que lorsqu'on prend plaisir à regarder ou entendre une œuvre d'art, on n'y recherche rien (ni pour soi , ni pour autre chose) tout en y cherchant tout de même bien quelque chose... Paradoxe encore.Dans le même ordre d'idées on observera que l'art ne répond à proprement parler à aucune utilité et que pourtant son existence est loin de nous être indifférente: nous en avons besoin mais il ne nous sert à rien !

Texte de Merleau-Ponty :

Merleau-Ponty dit du tableau que l'on regarde qu'on ne le regarde pas, ou encore que la chose qu'il est (car il est bien quelque chose), n'est pas autre chose que ce qu'il donne à voir, tout en ne l'étant pas.Paradoxe toujours.Cf. Heidegger:"L'oeuvre d'art est bien une chose, chose amenée à sa finition, mais elle dit encore quelque chose d'autre que la chose qui n'est qu'une chose".

Texte de Hegel :

Hegel écrit, semblant se perdre dans les nuances pour ne pas avoir à se contredire, que "Le sensible doit être présent dans l'oeuvre artistique,mais avec cette restriction qu'il s'agit seulement de l'aspect superficiel, de l'apparence du sensible. L'esprit ne cherche en lui ni la matérialité concrète.. ni les concepts universels purement idéaux.".Qu'est-ce que ce sensible pas vraiment sensible, cette réalité qui n'est ni matérialité ni intériorité? Paradoxe encore et toujours!

Synthèse :

L'oeuvre d'art est une réalité qui ne (re)présente ce qu'en réalité elle donne à voir.

 

 

B) Nature de l'œuvre d'art

                 De la phénoménologie (description)

                à l'ontologie de l'oeuvre d'art (définition)

 

a) Phénoménologie de l'œuvre d'art

1ère constatation

L'œuvre d'art, comme son nom l'indique, est oeuvre de l'homme, produit de son activité créatrice, au même titre que les objets techniques. Ainsi, avant que le peintre ne le peigne, le tableau n'existait pas.

2ème constatation

L'oeuvre d'art est une réalité sensible : elle se donne à voirou à entendre. Elle n'est pas de nature conceptuelle, ce n'est pas une idée. Cf Hegel

3ème constatation

La réalité sensible, matérielle, de l'œuvre d'art (ses formes, couleurs, rythmes, sons) loin d'épuiser sa réalité artistique est comme habitée par une réalité d'une tout autre nature. Cf. Hegel

Cette caractéristique explique que l'on soit incapable de dire où se trouve ce qu'elle représente. Cf Merleau-Ponty

4ème constatation

L'oeuvre d'art tout en se donnant à voir ou à entendre donne à voir ou à entendre autre chose, que ce qui, d'elle, se voit et s'entend.

Cf. Merleau-Ponty (du tableau): "je vois selon ou avec lui plutôt que je ne le vois".

Cf. Heidegger

 

Somme toute
"L'oeuvre artistique tient ainsi le milieu entre le sensible immédiat et la pensée pure". (Hegel)

Conséquence, quant au rapport que l'homme noue avec elle :

Cf Hegel: "Les relations de l'homme à l'oeuvre d'art ne sont pas des relations du désir. Il la laisse exister pour elle-même, librement, en face de lui, il la considère, sans la désirer, comme un objet qui ne concerne que le côté théorique de l'esprit."

Il s'agit du rapport de contemplation, opposé au rapport de consommation.

 

 b) Ontologie de l'œuvre d'art

 

L'œuvre d'art n'est ni une réalité de nature purement matérielle (une chose), ni une réalité de nature purement conceptuelle (une idée) Elle est une réalité d'une troisième sorte, qui participe de l'une et de l'autre, en les reliant.

 

 

Besoin auquel répond l'oeuvre d'art: servir de pont entre l'homme (esprit) et le monde (matière) Cf. René Huyghe

 

Deuxième partie: la fonction de l'art

 

A. Sa fonction : EXPRIMER

Que fait l'artiste quand il crée une oeuvre d'art? Il agence, ordonne, structure, assemble des matériaux (couleurs, sons) dans l'intention de donner à voir ou à entendre le réel-tel-qu'il le ressent.La création est, pour l'artiste, un mode d'EXPRESSION de sa vision des choses. Cf Merleau-Ponty

L'œuvre d'art est réussie dans l'exacte mesure où elle est expressive, c'est-à-dire capable d'induire chez celui qui la contemplera des impressions, capable de lui révéler sensiblement un certain visage fondamental des choses.Comme la religion, l'art est REVELATION, suggestion d'un invisible "dans la chair même du monde". L'oeuvre d'art parle à notre sensibilité un LANGAGE direct, immédiat.Elle est ce langage même. Cf. Hegel

 

B. C'est en tant qu'elle est expressive qu'une oeuvre est belle !

Cf. "l'unité de l'idée et dl'apparence individuelle est l'essence du beau et de sa production dans l'art". (Hegel)

=> Le plaisir esthétique est plaisir de l'esprit, un plaisir sensoriel non un plaisir sensuel, lié à la satisfaction d'un besoin organique.

Cf. Kant: Beau = objet d'une satisfaction désintéressée : "Le goût est la faculté de juger un objet ou un mode de représentation par la satisfaction ou le déplaisir d'une façon toute désintéressée. On appelle beau l'objet de cette satisfaction."

=> Le Beau plaît "universellement sans concept"

La valeur d'une oeuvre d'art ne se démontre pas: la valeur d'une œuvre d'art ne se prouve pas, elle s'éprouve ! Chaque oeuvre est singulière, profondément originale. Et en même temps elle s'impose comme figure incontestable de la beauté : elle est en quelque sorte à elle-même son propre modèle. D'où son unicité (elle est irremplaçable) et son exemplarité (elle sollicite l'adhésion de tous; chacun peut juger de la beauté par elle).

=> Enfin est belle une oeuvre qui ne renvoie à rien d'autre qu'à ce qu'elle représente, ce que Kant appelle une "finalité sans fin".

 

CONCLUSION

 

L'esthétique permet de dire ce qui fait qu'une activité et son produit sont artistiques. Mais elle ne saurait dire comment réussir un chef d'oeuvre....

 

 

 

Bibliographie : Platon, Hippias Majeur

 

 
© M. Pérignon