La
morale
La morale tente de répondre à la question de savoir
ce que nous devons faire en éclairant notre conscience (cf. cours sur le devoir). La conscience n'est
en effet pas seulement la propriété de l'esprit qui rend
possible la connaissance de la réalité extérieure
au sujet: elle nous éclaire également sur ce que nous
devons faire et nous indique comment nous devons le faire. (cf. cours sur la conscience). C'est parce que nous
pouvons agir consciemment que se posent à nous, dans le domaine
de l'action, des problèmes dont la solution n'est pas
donnée d'avance. Cela ne serait pas possible et n'aurait aucun
sens pour un être qui ne jouirait d'aucune capacité
d'analyser ses conditions d'existence et de prendre en
conséquence un certain nombre de décisions
réfléchies. Cette capacité, si limitées
puissent-elles être parfois, ne va pas sans l'exercice d'une
liberté qui n'est autre que le pouvoir prendre des
décisions relatives à la conduite de notre vie (cf. cours sur la liberté).
Vivre en homme ne peut se réduire à obéir
passivement à ses pulsions, à la façon des animaux
qui suivent leur instinct, ou à plier sans recul critique ni
résistance devant les stimulations en provenance du monde
extérieur. La question de savoir au nom de quoi nous agissons,
ce que nous devons absolument nous imposer de faire et ce à quoi
nous devons impérativement résister, est l'une des
préoccupations centrales de celui qui désire vivre
dignement, à hauteur d'homme. Cette question est proprement le
cœur de ce qui mérite vraiment le nom de « morale».
Si être un homme est une tâche, que la morale a pour
vocation d'aider à accomplir, c'est qu'il est un être
inachevé à qui il revient de se réaliser
personnellement et collectivement. Aussi les hommes sont-ils
guidés dans leur recherche par le désir de s'accomplir
qu'ils identifient avec le bonheur, conçu comme l'état de
satisfaction totale de l'ensemble de leurs aspirations (cf. cours sur le bonheur). "Les hommes recherchent tous à
être heureux", constatait Pascal. La question du bonheur
vient alors s'articuler avec celle du devoir. Certaines philosophies,
comme le stoïcisme ou l'épicurisme, se sont
efforcées de conjuguer les deux en se définissant comme
un art d'être heureux, sans prétendre naïvement que
cette conjugaison était facile à réaliser. Le
bonheur n'est en effet jamais donné d'emblée, et notre
premier travail consiste peut-être à chercher à en
identifier, si cela est possible, la vraie nature. Mais voilà
qui requiert qu'à terme un accord soit susceptible d'être
trouvé entre les aspirations de l'homme et les
possibilités d'action et de réalisation que le monde lui
offre. Doit-il renoncer à faire son possible pour se
hausser à hauteur d'homme bon, généreux,
juste, clément si cela ne lui permet pas pour autant
d'être lui-même heureux, la réalité,
têtue, mettant souvent sa bonne volonté en échec ?
Faut-il dès lors moins chercher à être heureux (et
à rendre les autres eux-mêmes heureux) que vouloir se
rendre digne d'être heureux, en accomplissant prioritairement son
devoir, sans garantie d'y parvenir ? Auquel cas il conviendrait,
à la suite de Kant, de
privilégier la notion de devoir par rapport à celle de
bonheur. (cf. cours sur le devoir).
© Michel Pérignon